Les forêts franciliennes



Introduction


L'Île-de-France est la région la plus peuplée et la plus urbanisée de France. Selon l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE), l’ensemble de la région est situé dans l’espace des grandes aires urbaines. Les forêts sont donc fortement au contact de l’urbanisation et des urbains, et comptabilisent plus de 100 millions de visites par an en forêts publiques (dont 80 millions en forêts domaniales).


La région englobe 7 départements et 277 000 ha de forêts, dont 89 000 ha de forêts publiques (33%) et 188 000 ha de forêts privées (68%). 5e région la moins boisée avec seulement un taux de boisement de 23%, alors que la moyenne nationale est de 31%, l'extension de la surface boisée n’a été que de 3% depuis 1985, en-dessous du niveau national de 21%. Les forêts de production sont composées de feuillus à 90%, avec une nette dominance du chêne. [IFN 2021].

Présentes dans le paysage régional, elles demeurent très marginales à l’échelle nationale. Elles représentent 1,7% de la surface de la forêt métropolitaine, dans une région très urbanisée qui concentre 19% de la population française.


Vestiges de forêts bien plus vastes, elles couvraient quasiment toute la région jusqu'au XIe siècle. A l’aube du XVIIe siècle, ces forêts royales ou seigneuriales servaient pour la vénerie pour les plus vastes, ou la chasse pour les plus petites encloses en parc. A partir du XIXe siècle, l’extension progressive de l’agglomération parisienne a grignoté ces espaces forestiers, et la construction d’infrastructures, notamment de transports, les ont traversées et fragmentées. Aujourd'hui, elles sont en situation de franges. [Cairn : La gestion des forêts de vénerie au XVIIe s]


Bien plus qu'un simple lieu de promenade ou de détente, pour les 12 millions de franciliens qui peuvent accéder à des espaces naturels, leur rôle est essentiel dans la qualité de l'air, de l'eau et des pollutions qu'elles filtrent, améliorant ainsi la qualité de vie et la santé des citoyens. En cela, les forêts d'Île-de-France, répondent à une quête sociale de nature et représentent un espace de respiration au sein d’un territoire urbanisé.


La carte ci-dessus montre les 3 niveaux de fréquentation des forêts publiques franciliennes. Source : Office National des Forêts 2012 (Mémoire 2015 RODIC Alice- voir lien En savoir +)


Des forêts de plus en plus fragilisées


Leur forte fréquentation et les nuisances de l’urbanisation surtout en première couronne, dégradent les écosystèmes. Le couvert forestier est discontinu et fragmenté par les réseaux de transport, les lisières sont mitées par des constructions urbaines (50 % des lisières forestières sont en contact direct avec un espace urbanisé) et où les effets conduisent à l’essor de nuisances comme les dépôts sauvages et d’encombrants. [Les forêts périurbaines franciliennes, des marges ? Alexandra Monot : les forêts urbaines franciliennes, des marges ?]


Au niveau national, depuis 1900, on observe une hausse des températures de 1,7°C en moyenne, avec une augmentation particulièrement marquée depuis les années 1980. Les arbres fragilisés par des sécheresses à répétition sont d’autant plus sensibles aux attaques parasitaires et à la mortalité. La croissance nette des forêts métropolitaines a diminué de 10 %, la mortalité a augmenté de 54% et les prélèvements ont augmenté de 20% depuis la dernière décennie. [CITEPA 2022 et IGN 2022].


La sécheresse et les canicules augmentent les risques d'incendies. En 2022, l’Office national des forêts a pris une série de mesures de prévention pour limiter leurs risques. 

Ainsi, pour la 1ère fois, à trois reprises entre juin et août 2022, les accès aux routes forestières en forêts domaniales ont été fermées à la circulation. Plusieurs départs et incendies sont survenus dans des massifs jusque-là épargnés :


→ 20 ha dans le massif de Rambouillet (78)

→ 8 ha dans la future forêt de Maubuisson (95)

→ 5 ha dans la forêt de Rochefort (78)

→ 2 ha dans la forêt de Meudon sur la commune de Vélizy (78)

→ 3 000 m2 dans la forêt de Fontainebleau (77)

→ Plusieurs départs de feu dans la forêt de Sénart (91)


Un équilibre financier fragile, assuré par la vente de bois


Les conséquences de la mécanisation des travaux forestiers occasionnent des dommages irréversibles sur le peuplement, le sol forestier et des atteintes au paysage forestier : cloisonnements, compactages, ornières profondes, scalpages.

Les coupes de bois en Île-de-France représentent 1,7% de la surface de la forêt métropolitaine, pour à peine 1,5% de la production de bois de la France métropolitaine. Les bénéfices de la rentabilité sont très faibles. Les politiques publiques de la forêt s’avèrent décisives pour la bonne gestion de ces milieux. Une grande responsabilité pèse donc sur les gestionnaires de forêts, dont dépend l’efficacité de la politique forestière en Île-de-France.


Or, la préservation des arbres est essentielle. Les vieux arbres servent de refuges pour la biodiversité et représentent un patrimoine génétique à préserver. En préservant les sols forestiers, nous augmentons leur capacité de rétention d'eau, cruciale pour la régulation des cycles hydrologiques. Plus généralement, dans les forêts franciliennes :  plus les écosystèmes sont en bonne santé et diversifiés et plus ils sont résistants aux aléas climatiques.




Des protections insuffisantes


La protection du patrimoine naturel et de la forêt se fait au travers de différents outils juridiques (parc naturel régional, Natura 2000). Le classement en forêt de protection, obtenu après décret en Conseil d’État, est réservé aux massifs présentant de forts enjeux en matière environnementale et sociale, notamment en zone péri-urbaine. Ces forêts bénéficient d'un statut juridique et administratif spécial qui garantit la conservation des territoires forestiers, mais où la sylviculture est pratiquée. Le classement crée une servitude d'urbanisme qui soumet la forêt à un régime forestier spécial.


Or à l’intérieur de ces espaces « protégés », l’exploitation forestière, le pastoralisme et la chasse sont encore bien présents. Les îlots des senescences ne dépassent pas 5 ha au maximum et sont intégrés dans les plans d’aménagement forestier. Les espaces boisés classés (EBC), statut définit dans le Plan Local d’Urbanisme d’une commune, empêche le défrichement et le changement d’usage du sol. Cet outil pérennise la vocation forestière ou du moins végétalisée, mais n'évite pas la coupe de bois.


Les réserves biologiques intégrales (RBI) relèvent de la catégorie 1a des aires protégées de l’UICN, à savoir le niveau le plus élevé de protection. Ces réserves sont créées par arrêté du Ministère de l’agriculture et après avis du Ministère de l’écologie. Souvent non-ouvertes au public, mais pas systématiquement, leur objectif est de protéger des habitats ou des espèces particulièrement représentatifs du milieu forestier et/ou vulnérables. Elles ont un statut distinct de celui des réserves intégrales de parc national. Véritables laboratoires et conservatoires vivants, elles sont soustraites à la sylviculture et constituent de précieux témoins de la forêt en évolution naturelle. L'initiative d'une réserve biologique revient à l'ONF. Consulter la carte des réserves biologiques en métropole de l'INPN.


En 2023, seulement 1 100 ha de forêts en réserves biologiques intégrales sur l'ensemble des forêts franciliennes, assurent la libre expression des processus naturels : 7 à Fontainebleau couvrant 1 060 ha, et 1 à Verrières couvrant 42 ha. Voir la carte des réserves biologiques - Géoportail

Tableau : Protection de la forêt en IDF (Mémoire 2015 RODIC Alice- voir lien En savoir +)

Des écosystèmes menacés


Depuis 1970, la France a connu une disparition alarmante de 70% de sa faune sauvage sur l'ensemble de son territoire. La principale cause de cette disparition, identifiée par l'IPBES, est le changement de destination des sols, en particulier l'artificialisation et la pollution des sols.


La région Île-de-France, la plus urbanisée de France et d'Europe, souligne l'importance des écosystèmes fonctionnels et des continuités écologiques. Ces écosystèmes fragmentés sont moins résistants et moins résilients, pour soutenir une biodiversité saine. Des recherches montrent qu'il est nécessaire de disposer d'une surface continue minimale de 4 hectares maintenir un écosystème fonctionnel (Beninde, J. et al., 2015, Ecology letters). En ville, au moins 45% d'espaces naturels permettraient d'assurer une stabilité environnementale (Szulczewska, B. et al., 2014, Land Use Policy), et 30% de nature dans un quartier pour réduire l'anxiété, le stress et la dépression (Cox, D. et al., 2017, BioScience). Pourtant, la Métropole du Grand Paris atteint un taux d'urbanisation de 90%.


Pour favoriser la circulation des espèces et maintenir des écosystèmes fonctionnels, il est urgent de préserver les continuités écologiques, et de renforcer les réseaux écologiques existants. Ces continuités écologiques appelées "trames" : verte pour la végétation, bleue pour l'eau, brune pour la terre, peuvent prendre différentes formes. Pour cela, renaturer massivement en zones urbaines denses, en portant une attention particulière à la connexion des réservoirs de biodiversité entre eux, permettrait d'enrayer l’effondrement de cette biodiversité.