Les forêts franciliennes


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Introduction


L'Île-de-France est la région la plus peuplée et la plus urbanisée de France. L’ensemble de son territoire est inclus dans de grandes aires urbaines, selon l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE). Dans ce contexte très anthropisé, les forêts franciliennes sont en contact direct avec les zones bâties et accueillent plus de 100 millions de visites chaque année en forêts publiques.


La région qui couvre 8 départements, compte 288 000 hectares de forêts, dont 67 % sont privées (195 115 ha) et 33 % publiques (92 885 ha). Avec un taux de boisement de 24 %, inférieur à la moyenne nationale (31 %), l’Île-de-France est la cinquième région la moins boisée de l’Hexagone. 

Les feuillus y dominent très largement, avec 90 % de chênes (IFN, 2021). À l’échelle nationale, les forêts franciliennes ne représentent que 1,7 % de la surface forestière métropolitaine, alors même qu’elles sont situées au cœur d’une région qui regroupe 19 % de la population française.



Vestiges de forêts bien plus étendues, elles couvraient presque toute la région jusqu’au XIe siècle. Réduites au fil des siècles, notamment par l’extension de Paris au XIXe siècle, elles sont aujourd’hui majoritairement reléguées en périphérie, souvent fragmentées par les infrastructures de transport, et leurs lisières fortement mitées par l’urbanisation.

[Cairn : La gestion des forêts de vénerie au XVIIe s]



Plus que de simples lieux de promenade, ces forêts remplissent des fonctions écologiques, sociales et sanitaires essentielles pour les 12 millions de Franciliens. Elles constituent un espace vital de respiration dans un environnement très artificialisé, répondant à un besoin social croissant de nature.


La carte ci-dessus montre les 3 niveaux de fréquentation des forêts publiques franciliennes. Source : Office National des Forêts 2012 (Mémoire 2015 RODIC Alice- voir lien En savoir +)


Des forêts de plus en plus fragilisées


es forêts franciliennes sont aujourd’hui confrontées à des pressions multiples : urbanisation croissante, fragmentation, intensification des coupes, fréquentation élevée, notamment en première couronne. Près de 50 % des lisières forestières sont en contact direct avec des zones bâties, favorisant l’apparition de nuisances telles que les dépôts sauvages.

[Source : Alexandra Monot : les forêts urbaines franciliennes, des marges ?]


A ces pressions s'ajoute un contexte climatique préoccupant. Depuis 1900, la température moyenne en France a augmenté de 1,7°C, avec une accélération marquée depuis les années 1980. Les sécheresses répétées affaiblissent les arbres, les rendant plus vulnérables aux maladies, aux insectes ravageurs et à la mortalité.

[Sources : CITEPA 2022 et IGN 2022].


Les épisodes de canicule et de sécheresse augmentent également les risques d'incendies, y compris n Île-de-France. En 2022, l’Office national des forêts (ONF) a été contraint de fermer temporairement plusieurs routes forestières pour prévenir les départs de feu. Plusieurs départs et incendies sont survenus dans des massifs jusque-là épargnés :


→ 20 ha dans le massif de Rambouillet (78)

→ 8 ha dans la future forêt de Maubuisson (95)

→ 5 ha dans la forêt de Rochefort (78)

→ 2 ha dans la forêt de Meudon sur la commune de Vélizy (78)

→ 3 000 m2 dans la forêt de Fontainebleau (77)

→ Plusieurs départs de feu dans la forêt de Sénart (91)


Un équilibre financier fragile, assuré par la vente de bois


La gestion des forêts franciliennes repose en grande partie sur un équilibre financier fragile, essentiellement assuré par la vente de bois. Pourtant, les bénéfices restent limités : bien que la région concentre près de 19 % de la population française, elle ne représente que 1,7 % de la surface forestière métropolitaine et produit à peine 1,5 % du volume national de bois. La rentabilité économique est donc faible, alors même que les enjeux sociaux et écologiques y sont considérables, notamment en zones urbaines et périurbaines.


La mécanisation des travaux forestiers accentue les impacts négatifs sur les milieux. Les recours à des engins lourds occasionnent des dommages sur les peuplements, sur les sols et le paysage : cloisonnements, tassements des sols. Ces dégradations fragilisent les écosystèmes et réduisent leur capacité à s'adapter au changement climatique.


Protéger les forêts, implique aussi préserver leurs arbres plus âgés. Refuges pour la biodiversité, ils représentent un patrimoine génétique essentiel. Un sol forestier bien préservé améliore la rétention d’eau et participe à la régulation des cycles hydrologiques — un atout précieux dans un contexte de changement climatique. Plus les forêts sont riches, diversifiées et en bon état écologique, plus elles seront résilientes face aux aléas climatiques et aux pressions humaines.




Des protections insuffisantes


Différents outils juridiques visent à encadrer l’usage des forêts et à préserver leur richesse écologique : Parcs Naturels régionaux, Natura 2000, ou encore classement en "forêt de protection", ou en Réserve biologique.


Le classement en forêt de protection, décrété par le Conseil d’État, s’applique aux massifs présentant de forts enjeux environnementaux ou sociaux. Il interdit toute action de défrichement ou de changement d’affectation du sol, et prévaut sur les documents d’urbanisme locaux (PLU). La forêt est soumise à un régime forestier spécial : la sylviculture y reste autorisée, mais sous conditions.


Mais, ce statut ne garantit pas une préservation intégrale. Mme au sein de ces espaces « protégés », les activités telles que l’exploitation forestière, la chasse ou le pastoralisme sont encore bien présentes. Les îlots de sénescence

(zones laissées en libre évolution), lorsqu’ils existent, ne dépassent généralement pas 5 hectares et intégrés dans les plans d’aménagement forestier, ce qui réduit leur portée écologique.


D’autres outils comme les Espaces Boisés Classés (EBC), définis dans les PLU, interdisent le défrichement et le changement d’usage des sols. Ce statut garantit le maintien de la vocation végétale ou forestière du site. Mais là encore, l’exploitation du bois n’est pas exclue, y compris dans des zones écologiquement sensibles.

Seules les Réserves Biologiques Intégrales (RBI) relevant de la catégorie 1a des aires protégées de l’UICN, garantissent une protection forte. Créées par arrêté ministériel, elles sont exemptes de toute activité sylvicole et généralement  fermées au public. Véritables laboratoires et conservatoires vivants, elles permettent d’observer la dynamique des écosystèmes forestiers en libre évolution. Leur création relève de l’initiative de l’ONF, après avis du Ministère de l’Agriculture et du Ministère de l’Écologie.

Consulter la carte des réserves biologiques en métropole de l'INPN.


En 2023, à peine 4 400 hectares de forêts publiques en Île-de-France bénéficiaient du statut de réserve biologique, soit 4,7% des 92 885 hectares concernés. Parmi eux, seulement 1  330 ha seulement relèvent du statut de Réserve Biologique Intégrale, soit 1,43%, assurant la libre expression des processus naturels. Un niveau de protection bien en deçà des 10% de protection forte que s’est fixée l’Union européenne.

Voir la carte des réserves biologiques - Géoportail

Tableau : Protection de la forêt en IDF (Mémoire 2015 RODIC Alice- voir lien En savoir +)

Des écosystèmes menacés


Depuis 1970, la France a perdu près de 70% de sa faune sauvage. Cette disparition massive est principalement attribuée par l’artificialisation des sols, leur fragmentation et leur pollution, comme l’a identifié l’IPBES, plateforme scientifique internationale sur la biodiversité.


En Île-de-France, la situation est particulièrement critique. La Métropole du Grand Paris est urbanisée à plus de 90 %, limitant drastiquement les surfaces naturelles continues nécessaires au bon fonctionnement des écosystèmes. Or, des recherches ont montré qu’une surface minimale de 4 hectares d’espaces connectés est indispensable pour maintenir un écosystème urbain fonctionnel (Beninde, J. et al., 2015, Ecology letters). 

De plus, pour garantir une stabilité écologique en milieu urbain, au moins 45 % de la surface doit être occupée par des espaces naturels (Szulczewska, B. et al., 2014, Land Use Policy). Et au plan de la santé publique, 30 % de nature dans un quartier suffisent à réduire significativement le stress, l’anxiété et la dépression (Cox, D. et al., 2017, BioScience). 


Face à cette situation, il est urgent de préserver les continuités écologiques, c’est-à-dire les connexions entre les habitats naturels, appelées trames écologique :

  • Trame verte : haies, boisements, parcs, friches,
  • Trame bleue : cours d’eau, zones humides,
  • Trame brune : sols vivants,
  • Trame noire : continuité de l’obscurité nocturne nécessaire à certaines espèces.


Ces trames assurent le déplacement, la reproduction et l’alimentation des espèces, et leur préservation est cruciale pour garantir la résilience des milieux.


Renaturer les espaces urbains, connecter les réservoirs de biodiversité et limiter l'artificialisation sont aujourd’hui des actions prioritaires pour enrayer l’érosion continue de la nature en ville et dans ses périphéries.

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